The Innocent est un manga réalisé sur une idée originale et un scénario d’Avi Arad. N’étant pas mangaka (auteur de manga), ce dernier a fait appel à des spécialistes de cet art pour l’aider à créer un one shot (manga en un seul volume) : le japonais Junichi Fujisaku pour le scénario et la sud-coréenne Ko Yasung pour le dessin. Le premier est l’auteur de trois recueils de nouvelles adaptés de l’animé Ghost in the Shell Stand Alone Complex, ainsi que l’adaptation cinématographique du manga Tsubasa : Reservoir Chronicles. La seconde est connue pour Redrum (pas génial) mais surtout pour Stigmata qui, dans le genre fantastique, est plutôt réussi. Le titre du manga ne l’évoque pas clairement, pourtant le fantastique est bel et bien abordé. Rien d’étonnant quand on sait qu’Avi Arad est le producteur de quasiment tous les films Marvel de 2000 à 2010 et de l’adaptation en dessin animé des mêmes séries de superhéros. Si les protagonistes de The Innocent ont effectivement des pouvoirs, ce ne sont pas des super-héros à l’instar de Spiderman, Iron Man, les 4 Fantastiques ou les Avengers.
Des anges aux missions particulières
Le manga débute par la mort du personnage principal, exécuté sur une chaise électrique pour un crime qu’il n’a pas commis. Parce qu’il est exécuté à tort, le comité des anges décide de lui accorder une seconde chance. Il le transforme en être de cendres et lui donne pour mission d’aider les gens qui se trouvent dans la même situation que lui, et c’est grâce aux miracles qu’il provoque qu’il les innocentera. Pour l’aider dans sa tâche, il est placé sous la surveillance d’Angel, une androgyne qui n’aime pas les humains mais qui est intriguée par la désinvolture dont fait preuve Ash J. Wright, détective privé décédé et héros de cette histoire.
Étrangement, toutes les missions qu’il aura à accomplir le ramèneront à son ancienne vie et il découvrira qu’il est la victime d’un gigantesque complot impliquant de nombreux innocents…
Une intrigue intéressante mais inaboutie
Le scénario est, somme toute, assez basique. Un homme fraîchement décédé renaît de ses cendres pour se venger et sauver des innocents – ça ressemble étrangement à The Crow – à ceci près que le personnage est normalement invisible aux yeux des humains. Pourtant, ils peuvent sentir sa présence et lui-même peut choisir de solidifier son corps, et par là, de se rendre visible aux autres. Seul un personnage peut le voir tel qu’il est : Whirl, l’homme de main de Frame Burns, le mafieux, à l’origine de toute cette histoire. Ce personnage particulièrement intriguant semble posséder un étrange pouvoir, une grande force physique lui permettant de résister aux coups dévastateurs de l’homme de cendres, mais aussi la capacité de souiller les anges avec son sang, les mettant ainsi à sa merci en les paralysant. Ce personnage, sûrement à cause de ses caractéristiques particulières, éprouve une certaine lassitude vis-à-vis de la vie qui est la sienne. Il ne veut que « jouer », ce qui, dans son langage, signifie tuer quelqu’un, humain ou animal. On le voit ainsi entouré de plusieurs dizaines de cadavres d’oiseau tués au couteau, son arme fétiche.
Ce personnage qui semble être un double maléfique d’Ash meurt et l’on ne sait ni d’où il vient, ni l’origine de ses pouvoirs. Est-ce un démon ? Avait-il une mission particulière à accomplir ? La vraie mission du héros n’était-elle pas tout simplement de le tuer ? Toutes ces questions restent sans réponse.
Hormis ce personnage qui aurait mérité d’être un peu plus étoffé, les autres sont plutôt efficaces et nourrissent l’intrigue. Toutes les victimes que rencontrent Ash ont un lien avec Frame Burns, l’occasion pour lui d’accomplir sa vengeance tout en aidant son prochain. Le manga ne durant qu’un volume, le rythme du récit est très rapide même si l’on déplore le fait que certains aspects de l’histoire ne soient pas plus développés, notamment l’histoire autour du comité des anges. En effet, l’apparition d’un autre ange qu’Angel, venu lui donner des renseignements pour le moins étonnants, atteste l’existence de plusieurs « anges » chargés de missions différentes. Mais de quels genres de missions s’agit-il ? Angel, la « responsable » d’Ash lui dit au début du récit qu’elle n’aime pas s’occuper d’être humain, dévoilant alors qu’elle s’occupe d’autres choses, mais de quoi ? Trop d’éléments sans réponse nuisent à la qualité de l’œuvre.
Des stéréotypes utilisés à bon escient
Donner aux personnages des noms américains indiquant clairement leurs caractéristiques est un procédé un peu stéréotypé mais qui a le mérite de révéler certaines choses de manière implicite. Le personnage d’Angel porte un nom qui coïncide pleinement avec sa fonction d’« ange ». La signification du prénom Rain (« pluie »), l’avocate et petite-amie d’Ash, est liée à son caractère empreint de mélancolie. Whirl quant à lui, est le personnage le plus mystérieux du manga. Il semble habité par l’envie de bouleverser ce qui est établi, le calme l’ennuie et son tempérament fait qu’il est comme un « tourbillon » capable de tout détruire sur son passage, pour finir lui-même emporté par un tourbillon de flammes… Ash, dont le nom veut dire « cendre » était semble-t-il, destiné à devenir cet ange fait de cendres. Son nom expliquerait justement pourquoi il est si « spécial » et pourquoi le comité des anges s’intéresse tant à lui, allant jusqu’à lui pardonner si facilement d’avoir enfreint les règles et d’avoir failli tuer un humain…
Si les dessins ne sont pas mauvais, force est de constater qu’Avi Arad est meilleur producteur que scénariste. Il aurait été préférable qu’il creuse et étoffe un peu plus un scénario déjà traité des centaines de fois. Une approche prometteuse qui laisse sur sa faim. Dommage !
Rémy Glérenje